Dieudonné Bisimwa: Mon combat pour les invalides

4 novembre 2013

Dieudonné Bisimwa: Mon combat pour les invalides

« Ça m’a fait du mal d’entendre le chef dire à son chargé du personnel: ‘tu vas embaucher un infirme alors qu’il y a des valides qui ont postulé ?’, c’est pour cela que je me suis décidé de commencer ma lutte », confie Mr Dieudonné Bisimwa, avec beaucoup de regret, cet après-midi pluvieux.

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Les conditions de vie des personnes vivant avec handicap deviennent de plus en plus critiques dans la ville de Goma. Dieudonné Bisimwa est un handicapé de main et de pied, il s’est décidé de ne pas rester calme pendant que ses droits et ceux de ses pairs sont en train d’être bafoué. Il porte plusieurs casquettes, entre autres, il est Président des jeunes handicapés de la société civile au Nord-Kivu, Coordonnateur de Save the World and Handicaped (SWH, une association locale basée à Goma), Membre de la ligue paralympique où il est superviseur de l’équipe. Enfin (du moins jusqu’à ce jour), Porte-parole des athlètes en athlétisme.

« Toutes ces fonctions, je les ai reçues tout simplement car je suis décidé à faire valoir les droits des personnes vivants avec handicap dans la province du Nord-Kivu. Je suis convaincu qu’un droit qui n’est pas réclamé n’en est pas un et je ne veux plus que cela continue car mes pairs souffrent avec moi », confie-t-il, rassurant que ce n’est pas un cumul mais qu’il fait tout cela pour plusieurs raisons et de fois il en est contraint par les autres.

A Goma, on remarque beaucoup de personnes invalides sur les coins des rues, sur les bords des routes en train de quémander auprès des passants afin de nourrir leurs familles et de survivre. La plupart d’entre eux n’ont pas été à l’école et donc n’ont aucun niveau académique.

Mais Dieudonné est un peu particulier et il confie avec désolation : « Je suis électricien car ayant fait la section technique au secondaire, je suis gradué en Marketing et licencié en Management des organisations. Ce qui est étonnant et qui me fait mal, je n’ai jamais été accepté pour travailler dans une organisation, qu’elle soit locale, nationale ou internationale. »

Il se pose la question de savoir jusques à quand il devra faire face à une pure et simple: « L’on peut comprendre que les invalides sans niveau académique puissent manquer de travail, mais s’il faut que même ceux qui ont tout fait pour aller jusqu’à l’université soient marginalisés jusqu’à ce point-là, c’est inadmissible ! », martèle-t-il avec un excès de rage.

Dieudonné est parvenu à construire un centre d’encadrement des personnes vulnérables dont ceux vivant avec handicap à Goma avec des fonds propres gagnés au travers de ses petites activités. Dans ce centre, les personnes invalides ne paient pas pour accéder aux services, mais les valides désireux d’en bénéficier sont priés de payer pour permettre la survie de ce centre.

« Mon travail consiste à plaider et à sensibiliser les masses quant aux droits et à la place des personnes vivant avec handicap (PVH) dans la société. Ces dernières ont des droits et des devoirs en tant que citoyens Congolais et elles ne devraient pas être marginalisées dans le monde professionnel, beaucoup plus ceux ayant été au banc de l’école. »

Dieudonné confirme qu’il y a une loi en RDC, déjà votée par les deux Chambres, mais qui tarde à être promulguée par le Chef de l’Etat. Cette loi confère des avantages aux PVH suite à leur situation physique, ils doivent par exemple être intégrées dans toutes les institutions publiques du pays afin qu’ils soient en mesure de survivre aux besoins de leurs familles.

« Je sensibilise les PVH elles-mêmes sur le contenu de cette loi afin qu’elles en soient informées. Mais aussi, les personnes valides pour que lorsqu’elle sera promulguée et mise en application, que personne ne dise n’en ayant pas été informé. »

Il y a un danger qui est en vue et si des mesures ne sont pas prises par le gouvernement Congolais, cela risque de conduire à des soulèvements. L’on remarque la croissance des écoles d’encadrement des PVH dans la ville de Goma, mais aucune mesure conséquente n’est prise pour se rassurer de leur intégration dans le milieu professionnel après leur formation.

« Ce qui me fait le plus mal, c’est qu’il existe beaucoup d’organisations internationales qui prétendent travailler pour la cause des PVH, mais, aussi longtemps qu’elles ne vont pas accepter de sous-traiter avec les associations locales qui connaissent très bien les besoins de ces personnes, leur action ne sera pas appréciée et leur impact ne sera pas visible. »

Tout en gardant l’espoir, il est convaincu que la lutte est longue et il n’est pas prêt à baisser les bras tant qu’il n’aura pas vu des PVH intégrées dans les institutions publiques en RDC; tant qu’il n’aura pas vu la discrimination et la stigmatisation de tout genre cesser à leur égard.

Avec une lueur d’espoir, il exprime son vœu: « Il est tolérable d’avoir jusqu’à 4 positions pour les personnes invalides dans une institution et laisser le reste aux personnes valides pour équilibrer le travail. Je suis conscient qu’il n’est pas possible de n’avoir que les invalides suite à leur état physique ou intellectuel, mais je n’accepterai pas que la stigmatisation continue par rapport à leur capacité intellectuelle, surtout pour ceux qui ont un titre académique avéré. »

Dieudonné Bisimwa est un jeune plein d’espoir et d’énergies pour accomplir son désir. Vous aurez de ses nouvelles bientôt au travers les exploits qu’il aura faits pour le bien de ces citoyens marginalisées.

Tungali Goma

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